Le syndrome de Rett est une atteinte rare et grave du développement cérébral qui ne touche que les filles. Elle se caractérise par une forte régression des capacités de l’enfant, après plusieurs mois d’évolution normale. C’est une maladie génétique, liée à la mutation d’un gène porté le chromosome sexuel X, le gène MECP2. Pour l’heure, les traitements existants visent uniquement à soulager les symptômes. D’importants travaux sont menés pour comprendre le rôle de MECP2 et de sa mutation dans la physiopathologie de la maladie. In fine, l’objectif est de développer un traitement spécifique, qui préviendrait l’apparition des manifestations de la maladie. Le travail mené dans le cadre de la collaboration de deux équipes Inserm pourrait prochainement aboutir à cet objectif.
Le BDNF, une supervitamine neuronale
La protéine codée par le gène MECP2 a une fonction importante dans le développement et le fonctionnement harmonieux des neurones. En perturbant l’expression de milliers de gènes, la mutation de MECP2 entraîne d’importants troubles neurologiques. Jean-Christophe Roux* décrit : « Parmi les voies physiologiques altérées, on trouve notamment celle du facteur neurotrophique BDNF, une sorte de supervitamine ayant un rôle clé dans la survie, le développement et la plasticité neuronale. Le BDNF circule habituellement dans des vésicules au sein des axonesaxonesProlongement de neurones. Dans le syndrome de Rett, ces vésicules sont rares et lentes, et les neurones sont comme atrophiés et peu connectés. Or, nous avions précédemment observé que la huntingtine (HTT), qui participe au transport du BDNF, est fortement sous-exprimée dans le cerveau des souris modélisant le syndrome de Rett. »
Vers de futurs essais cliniques ?
L’équipe de Frédéric Saudou**, spécialiste de la maladie de Huntington, a démontré il y a quelques années qu’une simple phosphorylationphosphorylationComposé d’une tête hydrophile et de deux queues hydrophobes, c’est un constituant essentiel des membranes cellulaires. de la protéine HTT pouvait accélérer le transport des vésicules de BDNF. En unissant leurs différents moyens d’analyse (puces microfluidiques reproduisant les circuits neuronaux atteints dans le syndrome de Rett et souris modèles de la maladie), ils ont pu confirmer l’intérêt de cette approche : « Nous avons d’abord démontré in vitro que la HTT doit être phosphorylée pour assurer la bonne fonctionnalité du BDNF. Nous avons ensuite vérifié que cette phosphorylation permet de restaurer partiellement la fonctionnalité du BDNF dans le modèle murin du syndrome de Rett : les souris présentent une meilleure fonction respiratoire et locomotrice, un poids stabilisé et une espérance de vie prolongée. Dans une seconde étape, nous avons testé l’efficacité du FK506, un médicament utilisé dans la prévention des rejets de greffe et qui a été décrit comme favorisant la phosphorylation de l’HTT ». À partir du même protocole expérimental que dans la première étape, les chercheurs ont vérifié que ce traitement améliorait la fonctionnalité in vitro du BDNF et que les symptômes des souris modèles étaient améliorés.
La preuve de conceptpreuve de conceptDémonstration de l’intérêt d’une invention ou d’une technologie. formelle de l’intérêt de l’HTT dans la prise en charge du syndrome de Rett est donc apportée. Cependant, la forte immunosuppression induite par FK506 ne permet pas d’envisager son utilisation chez des enfants malades. Mais les chercheurs sont confiants : avec des entreprises pharmaceutiques, le laboratoire de Frédéric Saudou tente de développer des molécules plus spécifiques, aptes à phosphoryler HTT sans posséder de propriétés immunosuppressives. Elles pourraient ensuite faire l’objet d’études précliniques puis cliniques, notamment dans le traitement du syndrome de Rett.